La nidification des Sternes pierregarin à la Pointe à la Bise
Longtemps commune sur les rives lacustres suisses, la Sterne pierregarin affectionne les bancs de galets et les îlots dénudés pour y établir ses colonies. Ces sites, aujourd’hui rares, ont été largement détruits par les aménagements humains : régulation des lacs, endiguements et extraction de matériaux.
Pour pallier cette disparition, des radeaux artificiels ont été installés, notamment dans le Canton de Genève. Dès 1979, un premier radeau est mis en place sur le Rhône à Verbois, puis en 2009 dans la réserve naturelle de la Pointe à la Bise, le premier sur le Petit Lac. Ces plateformes imitent les habitats naturels et permettent aux sternes de nicher.
Malgré la présence de radeaux, la nidification des Sternes pierregarin n’est cependant pas garantie. À la Pointe à la Bise, la principale menace vient du Goéland leucophée, espèce agressive et opportuniste, qui s’installe précocement sur les radeaux, empêchant les sternes de les coloniser. Dès 2014, ces goélands ont régulièrement empêché toute installation des sternes. Malgré une collaboration active avec le GOBG, le Groupe Ornithologique du Bassin Genevois, les méthodes de dissuasion testées pour écarter les goélands (laser, bruit, leurres) se sont révélées d’efficacité limitée. Même un couple de sternes venu s’installer en 2021 fut rapidement chassé.
Face à ces échecs répétés, des mesures plus structurées ont été adoptées. Le radeau de la Pointe à la Bise, dont l’état s’était considérablement dégradé, a été entièrement rénové à l’hiver 2023-2024 et réinstallé à la mi-mai, trop tard pour l’installation des goélands cette fois. Ce timing favorable, combiné aux inondations dans le delta de la Dranse qui ont perturbé la nidification des sternes, a provoqué une recolonisation exceptionnelle du site de la Pointe à la Bise par 19 couples de sternes en 2024.
Fort de ce succès, un second radeau a été installé au printemps 2025 grâce à une collaboration entre Pro Natura Genève et le GOBG, avec le soutien des SIG. Pour empêcher la nidification des goélands, ceux-ci ont été activement dérangés en amont de la ponte, stratégie qui s’est révélée efficace.
Une caméra d’observation, installée directement sur le radeau, permet désormais un suivi précis des comportements de nidification et soutient les actions de sensibilisation du Centre Nature de la Pointe à la Bise. La vie des sternes sur le radeau est retransmise en direct au Centre Nature de la Pointe à la Bise, durant les horaires d’ouverture !
En 2025, la colonie de la Pointe à la Bise a connu un essor remarquable : 40 couples de sternes y ont été recensés à la fin juin, contre 19 l’année précédente. La nidification est toujours en cours, avec une première ponte observée le 24 mai et une première éclosion le 19 juin. À fin juin, 77 couples de sternes étaient présents en tout sur l’ensemble du canton.
Ce regain d’activité sur le site de la Pointe à la Bise peut s’expliquer par une conjonction favorable : conditions climatiques défavorables ailleurs, perturbations sur le site de Verbois dues à l’abaissement partiel du Rhône, et disponibilité accrue de radeaux. De plus, les mouettes rieuses, autre espèce de laridés qui subit également la diminution de ses sites de nidification, semblent suivre la même dynamique de déplacement et s’installer progressivement à Genève, profitant des mêmes infrastructures. À fin juin, 3 couples ont été aperçus sur le radeau de la Pointe à la Bise. La pose du radeau a été très bénéfique dans la mesure où l’on considère que tous ces couples forment une même population ouest-lémanique.
Pro Natura Genève remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont œuvré au suivi et à la préservation des Sternes pierregarin, qui ont conduit au succès de ce 2ème radeau en 2025 :
- Le GOBG et particulièrement Cédric Pochelon pour sa vigilance toutes ces dernières années et sa précieuse aide sur le terrain
- Denis Landenbergue pour ses précieux conseils et son aide à la réalisation du 2ème radeau
- L’Office Cantonal de l’Agriculture et de la Nature pour le soutien financier et technique
- Au Fonds Vitale vert des SIG pour leur générosité à soutenir ce projet.